La traite arabe, sous ensemble principal de la traite orientale, désigne le commerce des êtres humains sur un territoire qui déborde largement l'aire arabe. Les négriers n'étaient pas exclusivement musulmans ou arabes mais pouvaient parfois être berbères, persans, juifs mizrahim, indiens, javanais, malais ou chinois[réf. nécessaire]. Les royaumes africains ont activement participé à ces entreprises, à des degrés divers (certains émirats du Sahel, comme Kanem-Bornou, l'Ouaddaï ou le Mahdiyah vivaient principalement de la traite orientale1). L'un des plus grands centres de concentration et de vente d'esclaves, Tombouctou, accessible aux seuls musulmans, se situait hors de l'aire politique arabe proprement dite, mais non de sa zone d'influence culturelle. D'un point de vue occidental, le sujet a été nommé « traite arabe », parfois « traite musulmane »2, voire « barbaresque ». Descriptif Dans le domaine de l'histoire, le terme « traite » désigne « le trafic effectué du XVIe au XIXe siècles par certains navires de commerce, principalement sur les côtes d'Afrique, qui consistait à échanger des denrées contre des marchandises et des spécialités locales3 ». Plus particulièrement, le terme désigne « le trafic consistant à échanger des marchandises contre des noirs africains ou à les acheter pour les employer ou les revendre en qualité d'esclaves3 ». La traite concerne toutes les périodes de l'Histoire ainsi que toutes sortes de populations, mais sa source la plus importante se trouve en Afrique. En général, il s'agit de la traite des Noirs, mais, en fonction de l'époque et de l'aire géographique considérée, on distingue plusieurs types de traites. Datée de l'an 860 de notre ère, une inscription trouvée dans l'est de Java mentionne, dans une liste de domestiques, la présence de Jenggi, c'est-à-dire du Zenj : l'Afrique. Une inscription javanaise ultérieure parle d'esclaves noirs offerts par un roi javanais à la cour impériale de Chine. La « traite orientale » a suivi trois types d'itinéraires au Moyen Âge : les routes terrestres à travers les déserts du Maghreb et du Machrek d'une part (itinéraire transsaharien) ; les routes maritimes à l'est de l'Afrique (mer Rouge et océan Indien) d'autre part (itinéraire oriental). la mer Méditerranée occidentale, où les pirates, en particulier ceux de la côte des Barbaresques, capturaient des esclaves européens (principalement dans les îles : Baléares, Corse, Sardaigne, Sicile, Crète...) la mer Méditerranée orientale et la Mer Noire, où les Abbassides, les Mamelouks et les Seldjoukides d'abord, les Ottomans ensuite, réduisaient en esclavage et vendaient des Slaves, des Grecs anatoliens, des chrétiens orientaux et arabes et des Caucasiens. Elle n'a pas eu les mêmes destinations que la traite transatlantique : elle a alimenté en esclaves noirs le monde musulman qui, à son apogée, s'étend sur trois continents, de l'océan Atlantique (Maroc, Espagne) à l'Inde et l'Est de la Chine. Elle a été plus étalée dans le temps : elle commence dès le Moyen Âge et s'arrête au début du XXe siècle : le dernier marché aux esclaves est fermé au Maroc en 19204 ; en Éthiopie, la fin effective de l'esclavage serait largement postérieure au dernier d'une série de décrets d'abolition qui s'étend de 1855 à 19415. Sources et historiographie de la traite arabe Un sujet récent et soumis à controverse Le Marché aux esclaves (peinture occidentale orientaliste de Jean-Léon Gérôme, XIXe siècle) L'histoire de la traite soulève de nombreux débats parmi les historiens. Les spécialistes s'interrogent en premier lieu sur le nombre d'Africains déportés. La question est difficile à résoudre à cause du manque de statistiques fiables : il n'existe aucun recensement systématique en Afrique au Moyen Âge, alors que les archives sont beaucoup plus fournies en ce qui concerne la traite atlantique (XVIe–XVIIIe siècles), bien que les livres de compte aient été souvent falsifiés. L'historien doit utiliser des documents narratifs et imprécis et faire des estimations soumises à caution : Luiz Felipe de Alencastro6 annonce 8 millions d'esclaves africains déportés entre le VIIIe et le XIXe siècle par la traite arabe et transsaharienne. Christian Delacampagne propose le chiffre de 11 millions en se fondant sur l'étude de Ralph Austen7. Olivier Pétré-Grenouilleau a avancé le chiffre de 17 millions de Noirs réduits à l'esclavage (pour la même période et la même aire) lui aussi sur la base des travaux de Ralph Austen8,9 - ce dernier évaluant la marge d'erreur de ses estimations à 25 %. Pour Jean Sévillia, 12 millions d'Africains ont été déportés par la traite arabe10. D'autres sources4 évoquent un total de plus de 4,5 millions d'esclaves noirs déportés hors d'Afrique par la traite arabe rien qu'au XIXe siècle. Pour certains, évoquer le passé négrier de certains états musulmans revient à essayer de minimiser la traite transatlantique [réf. nécessaire]. Pourtant, « la traite vers l'océan Indien et la Méditerranée est bien antérieure à l'irruption des Européens sur le continent » 11. Paul Bairoch avance le chiffre de 25 millions de Noirs ayant subi la traite arabe contre 11 millions ayant subi celle des Occidentaux12. Le deuxième obstacle à l'histoire de la traite orientale est celui des sources. Des documents étrangers aux cultures africaines sont à notre disposition : ils sont écrits par des lettrés qui s'expriment en arabe et nous proposent un regard partial et souvent condescendant sur le phénomène étudié. Il est vrai que depuis quelques années, la recherche historique sur l'Afrique connaît un formidable essor, grâce à l'utilisation de nouvelles méthodes et à de nouveaux questionnements. L'historien croise les apports de l'archéologie, de la numismatique, de l'anthropologie, de la linguistique et de la démographie pour pallier les carences de la documentation écrite. Sources médiévales musulmanes Elles sont classées dans l'ordre chronologique ; les premiers lettrés du monde arabe ne se sont jamais rendus en Afrique noire avant le XIVe siècle. Ils reprennent donc souvent les légendes et les préjugés sur les Africains et perpétuent les géographes de l'Antiquité (Hérodote, Pline l'Ancien ou encore Ptolémée). Al-Mas'ûdî (mort en 957), Muruj adh-dhahab ou Les Prairies d'or, qui est le manuel de référence des géographes et des historiens du monde musulman. Il a beaucoup voyagé à travers le monde arabe ainsi qu'en Extrême-Orient. Ya'qubi (IXe siècle), Livre des pays Al Bakri, auteur du Routier de l'Afrique blanche et noire du Nord-Ouest, rédigé à Cordoue vers 1068, nous renseigne sur les Berbères et leurs activités ; il a recueilli des témoignages sur les routes caravanières du Sahara. Al Idrissi (mort vers 1165), Description de l'Afrique et de l'Espagne Ibn Battûta (mort en 1377), le premier géographe de culture musulmane à se rendre en Afrique subsaharienne, à Gao et à Tombouctou ; son ouvrage principal s'intitule Présent à ceux qui aiment à réfléchir sur les curiosités des villes et les merveilles des voyages. Ibn Khaldoun (mort en 1406), historien et philosophe d'Afrique du Nord. Certains le considèrent comme l'historien des sociétés arabe, berbère et perse. Il est l'auteur des Prolégomènes à une histoire universelle13 et d'une Histoire des Berbères. Ses commentaires sur les peuples subsahariens comme sur les Arabes y sont sévères. Ahmad al-Maqrîzî (mort en 1442), historien égyptien, on lui doit notamment une description des marchés du Caire. Léon l'Africain (mort en 1548), auteur d'une précieuse description de l'Afrique Rifa'a al-Tahtawi (mort en 1873), qui traduisit des ouvrages médiévaux de géographie et d'histoire. Son œuvre porte surtout sur l'Égypte musulmane. Joseph Cuoq, Recueil des sources arabes concernant l'Afrique occidentale du VIIIe au XVIe siècle, Paris, 1975. Témoignages européens (XVIe ‑ XXe siècles) "Capitaine Croker visitant l'hôpital d'Alger. Une mère l'informe des treize années d'esclavage d'elle-même et de ses huit enfants, elle en désigne six d'entre eux". La scène représentée se passe dans la régence d'Alger en juillet 1815 et décrit le capitaine britannique Walter Croker (HMS Wizard). Un musulman conduit des esclaves chrétiens à l'aide d'un grand fouet. Le capitaine Walter Croker (HMS Wizard) assiste à la scène en juillet 1815. "Manière dont les prisonniers chrétiens sont vendus comme esclaves au marché d'Alger". Gravure hollandaise de 1684 Joao de Castro, Roteiro de Lisboa a Goa, 1538 Moreau de Charbonneau, administrateur et explorateur français du Sénégal au XVIIe siècle : De l'origine des Nègres d'Afrique James Bruce (1730-1794), Travels to Discover the Source of the Nile, 1790 René Caillié (1799-1838), Journal d'un voyage à Tombouctou Capitaine Walter Croker (HMS Wizard), marin britannique : The cruelties of the Algerine pirates, shewing the present dreadful state of the English slaves, and other Europeans, at Algiers and Tunis, 181614 Henry Morton Stanley (1841-1904), À travers le continent mystérieux, 1878 Miguel de Cervantes Saavedra (1547-1616), El trato de Argel, Los baños de Argel À la fin du XIXe siècle, des voyageurs anglais photographient des esclaves noirs près de Zanzibar. Joseph Kessel (1898-1979) est un grand reporter et un romancier français, qui navigua avec les négriers de la mer Rouge. Albert Londres mentionne dans son livre-reportage Pêcheurs de perles le commerce clandestin d'esclaves en 1925 en Arabie. Théodore Monod écrivait dans les années 1930 : « la plus lucrative marchandise que transportaient les caravanes arabes et touarègues du Soudan vers l'Afrique du Nord fut l'esclave noir [...] Aujourd'hui, la traite a virtuellement disparu, mais des cas de vente sur place peuvent se produire encore [...]15. » Un rapport de l'ambassadeur de France en Arabie saoudite signale qu'en 1955, des trafiquants d'esclaves de ce pays envoyaient des émissaires-rabatteurs en Afrique noire. Ils se faisaient passer auprès des populations locales pour des missionnaires au service de l'Islam, mandés par de riches croyants pour offrir le voyage à la Mecque à des Africains nécessiteux. Il s'agissait d'un traquenard puisque les pèlerins étaient fait prisonniers et remis aux marchands d'esclaves16. L'album de Tintin Coke en stock s'en inspire. Autres sources Tradition orale africaine Chronique de Kilwa (Afrique orientale), XVIe siècle Numismatique : analyse des trésors et de la diffusion des monnaies. Archéologie : architecture des comptoirs et des villes de la traite Iconographie : miniatures arabes et persanes des grandes bibliothèques Gravures des ouvrages européens de l'époque moderne et contemporaine Photographies, à partir du XIXe siècle Le contexte historique et géographique de la traite arabe Il convient de rappeler brièvement dans quel espace et quelle époque se manifeste la traite arabe et transsaharienne. Il n'est pas question de détailler l'histoire du monde arabo-musulman, ni celle de l'Afrique noire, mais de poser quelques repères qui facilitent la compréhension de la traite dans cette partie du monde. Le monde arabo-musulman La religion musulmane apparaît au VIIe siècle de l'ère chrétienne. En une centaine d'années, elle se diffuse rapidement dans l'ensemble du bassin méditerranéen portée par les Arabes qui conquièrent l'Afrique du Nord occupée de longue date par les Berbères. Rapidement convertis, ces derniers étendent la domination musulmane à la péninsule ibérique où ils prennent la place du royaume wisigoth. Les Arabes intègrent l'Asie occidentale et défont les Byzantins et les Perses sassanides. Ces régions sont donc diverses par leur peuplement et connaissaient déjà l'esclavage et la traite des Africains depuis l'Antiquité. Elles sont en partie unifiées par la culture arabo-musulmane, dont les fondements sont religieux et urbains ; elles utilisent l'arabe et le dinar dans les transactions commerciales. La Mecque en Arabie est la ville sainte vers laquelle tous les musulmans, quelle que soit leur origine, partent en pèlerinage. Cependant, en principe, la notion de liberté est prêchée par Mahomet. En effet, l'un des premiers affranchis (zinj), prénommé Bilal fut libéré par le prophète, qui l'acheta à son maître. Il fut ensuite nommé à la tâche de l'appel à la prière muezzin. Les docteurs et les sages musulmans ont souvent encouragé les affranchissements. Une part du budget de l'État est réservée pour l'émancipation systématique des esclaves : (Cor. IX, Le repentir : 60) : « Les Sadaqats (dons non obligatoires, par opposition à l'impôt-aumône obligatoire=Zakat) ne sont destinés que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner à l'islam, l'affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier de Dieu, et pour le voyageur en détresse. C'est un décret de Dieu ! Et Dieu est Omniscient et Sage. »17 Les citoyens musulmans sont invités par le Coran à affranchir eux-mêmes les esclaves, un acte considéré comme très méritoire18(Cor. II, 177) : « L'homme bon est celui qui... pour l'amour de Dieu, donne son bien à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, au voyageur, aux mendiants, et pour le rachat des captifs. » Après la chute de la dynastie des Omeyyades (750), le monde musulman se morcelle en plusieurs entités politiques (califats, émirats, sultanats) souvent rivales. Au XIe siècle, l'irruption des Turcs venus d'Asie centrale bouleverse la géographie du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, avec l'instauration de l'empire ottoman (1599-1922). La civilisation arabo-musulmane repose sur un réseau de villes et d'oasis aux fonctions de négoce développées dont le cœur est le marché (souk, bazar). Ces cités sont reliées entre elles par un système de routes qui traversent des régions semi-arides ou désertiques. Ces pistes sont parcourues par des convois et les esclaves noirs constituent une partie du trafic caravanier. Article détaillé : Civilisation islamique. L'Afrique (VIIIe – XIXe siècles) Article détaillé : commerce transsaharien. L'Afrique au XIIIe siècle : carte montrant les flux et les principaux protagonistes de la traite arabe À partir du VIIIe siècle, l'Afrique est dominée par les Arabes dans sa partie nord : l'islam progresse vers le Sud du continent par le Nil et par les pistes du désert. La densité de la population du Sahara est faible. Cependant, il existe depuis l'Antiquité des cités qui vivent du commerce (sel, or, esclaves[réf. nécessaire], tissus) et de l'agriculture irriguée : Tahert, Oualata, Sijilmassa, Zaouila, etc. Elles sont dirigées par des chefs berbères (Touaregs)[réf. nécessaire] ou arabes. Leur indépendance est relative et dépend de la puissance des États du Maghreb et de l'Égypte. « Maures pillant[s] un village nègre » (gravure de 1814) Au Moyen Âge, l'Afrique subsaharienne est appelée Soudan par les Arabes, ce qui découle de l'arabe soudanen désignant « les noirs ». C'est en effet le pluriel de l'expression « il est noir ». Elle constitue un réservoir de main-d'œuvre servile pour l'Afrique du Nord et l'Afrique saharienne. Cette région est marquée par la domination de plusieurs États : empire du Ghana, empire du Mali, royaume du Kanem-Bornou. Ces États comptent des villes prestigieuses qui prospèrent grâce à leur situation de carrefour : Tombouctou, Koumbi, Djenné, Gao, etc. En Afrique orientale, le littoral de la mer Rouge et de l'océan Indien est sous le contrôle des musulmans, et les marchands arabes sont nombreux sur le littoral. La Nubie est déjà dans l'Antiquité une zone d'approvisionnement en esclaves. La côte éthiopienne, surtout la porte de Massaoua et l'archipel des Dahlak, a longtemps été un centre pour l'exportation des esclaves de l'intérieur, même sous l'ère d'Aksoum19 Esclaves dans l'est de l'Afrique, XIXe siècle La dynastie salomonique d'Éthiopie exporte souvent des esclaves nilotiques de ses provinces frontières occidentales et aussi des provinces musulmanes récemment conquises20. Des sultanats musulmans, comme celui d'Adal, envoient aussi des esclaves21. Sur la côte de l'océan Indien apparaissent également des postes de traite fondés par les Arabes et les Persans. L'archipel de Zanzibar, au large de la Tanzanie actuelle, est sans doute l'exemple le plus notoire de ces comptoirs. L'Afrique de l'Est et l'océan Indien restent jusqu'au XIXe siècle une aire importante de la traite arabe. David Livingstone et Stanley sont alors les premiers Européens à pénétrer à l'intérieur du bassin du Congo et à découvrir l'ampleur de l'esclavage. Tippo Tip étend sa domination et fait de nombreux esclaves. Après l'implantation des Européens dans le golfe de Guinée, la traite transsaharienne devient moins importante. À Zanzibar, l'esclavage est aboli tardivement en 1897 sous le sultan Hamoud ibn Mohammed. Le reste de l'Afrique n'a pas de contact direct avec les négriers musulmans. L'Europe (VIIe ‑ XIXe siècles) Article détaillé : Traite des esclaves de Barbarie. Rachat de captifs chrétiens à Alger par des Mercédaires (vers 1670). « Les Religieux de la Mercy de France, qui font, un 4. Vœu de Rachepter les Captifs, et en cas de besoin de demeurer en leur place, ayant l'an 1662, rachepté en Alger environ 700 Esclaves, ont lan 1666 fait une rédemption à Tunis et en l'année 1667 une autre en Alger(?) » La favorite circassienne au harem (Giulio Rosati) Dans les premiers temps de l'islam, les tribus guerrières du Caucase ainsi que les marchands vénitiens vendent aux Arabes des prisonniers en provenance des pays slaves, encore païens. Les païens slaves, plutôt que d'être convertis de force ou exécutés en cas de refus, étaient vendus comme esclaves pour couvrir les frais des expéditions. À partir du XIIIe siècle, après l'installation de comptoirs génois et vénitiens en mer Noire, les peuples du Caucase deviennent eux-mêmes une source d'esclaves appréciés surtout en Europe, en même temps que les Russes et les Circassiens. Les esclaves originaires des alentours de la mer Noire sont ceux auxquels les musulmans d'Égypte attribuent les plus grands qualités : loyauté, courage, qualités guerrières et cætera. Ils sont donc très prisés en Égypte, importés en grand nombre, parfois avec l'aide de marchands européens, et arrivent même parfois à des positions de pouvoir tellement importantes qu'il leur devient possible d'y établir toute une dynastie d'anciens esclaves, connue sous le nom d'ère mamelouke. Ainsi, si la proportion d'hommes et de femmes esclaves déportés de cette région est difficile à estimer, les sources prouvent une majorité d'esclaves mâles arrivant en pays arabes, mais une forte majorité de femmes esclaves vendues en Occident méditerranéen22. Au début du XVIe siècle, comme le vivier slave s'épuise du fait de la christianisation de l'Europe orientale, les musulmans des Barbaresques multiplient les razzias de chrétiens en Méditerranée23,24. Ceux-ci effectuent des razzias sur les villages côtiers des rivages européens. Le souvenir des combats livrés par les habitants à ces pirates perdure dans la tête de prisonnier maure qui sert d'emblème à la Corse.[réf. nécessaire] Tunis, Alger et Tripoli sont les principaux foyers de piraterie, c'est à Tripoli que se trouve le plus grand marché d'esclaves car elle sert également grand débouché aux caravanes d'esclaves du commerce transsaharien24,25. Les historiens Jacques Heers, Marcel Dorigny, Bernard Gainot et Ralph Austen évaluent à plus d'un million le nombre de chrétiens capturés en Méditerranée et sur ces côtés entre 1500 et 1800, période marquant l'apogée d'une pratique commencée dès l'arrivée de l'islam en Afrique du Nord et en Espagne au VIIIe siècle et qui ne prit fin que vers le milieu du XIXe siècle26,24. Environ 90 % de ces esclaves étaient des hommes24. Au XVIIIe siècle, le volume de ce commerce est tombé à 300 000 captifs, en 1831, lors de la prise d'Alger, les troupes françaises libérèrent 220 esclaves chrétiens et en 1846, la Régence de Tunis abolit la traite24. En Europe orientale et dans les Balkans, pendant la même période, les Ottomans prélevèrent environ trois millions d'esclaves[réf. nécessaire]. Mais l'expansion européenne, à partir de la fin du XVIIIe siècle, diminua progressivement le nombre et l'importance de ces razzias27. Au XXe siècle et de nos jours En 1924, la commission temporaire sur l'esclavage de la Société des Nations écrit : « la traite des esclaves est ouvertement pratiquée dans plusieurs États musulmans, dans la péninsule arabique en particulier, et surtout dans le Hedjaz ». La dernière caravane d'esclaves noirs signalée passe à travers le Sahara en 1929. Il y avait entre 100 000 et 250 000 esclaves en Arabie saoudite avant l'abolition officielle de l'esclavage en 1962. La fin réelle de la traite des esclaves à Zanzibar n'eut lieu qu'en 1964. Selon la Commission des droits de l'homme des Nations unies, en 2000, entre 5 et 14 000 personnes sont esclaves au Soudan28 ; selon l'organisation Christian Solidarity International, environ 100 000. Selon le Global Slavery Index29, les pays où se situent en 2013 les taux les plus importants de personnes encore en esclavage se trouvent majoritairement en Mauritanie, en Haiti, au Pakistan, en Inde, au Népal, en Moldavie, au Bénin, en Côte d'Ivoire, en Gambie et enfin au Gabon. Les acteurs de la traite arabe Mansa Moussa, empereur du Mali, carte du XIVe siècle Les esclaves noirs étaient capturés, transportés et achetés par des personnages très différents. La traite passait par une série d'intermédiaires et enrichissait une certaine partie de l'aristocratie musulmane. L'esclavage se nourrissait des guerres entre peuples et États africains, ce qui donnait lieu à une traite interne. Les vaincus devaient un tribut constitué d'hommes et de femmes réduits en captivité. Sonni Ali Ber (1464–1492), empereur du Songhaï, mena de nombreuses guerres pour étendre son territoire. Bien qu'il fût musulman, il réduisit en esclavage d'autres musulmans vaincus30. La dynastie des Askia (Mali) eut la même politique31. Aux VIIIe et IXe siècles, les califes avaient tenté d'organiser la colonisation des rivages africains de l'océan Indien à des fins commerciales. Mais ces établissements furent éphémères, souvent fondés par des exilés ou des aventuriers. Le sultan du Caire envoyait des trafiquants d'esclaves pour opérer des raids sur les villages du Darfour. Des bandes armées aux ordres de marchands allaient incendier les villages et rapportaient des captifs, souvent des femmes et des enfants. Face à ces attaques, les populations formaient des milices, érigeaient des tours et des enceintes afin de protéger leurs villages. Les marchands arabes et berbères d'Afrique du Nord échangeaient des esclaves contre de l'or, du sel, des épices ou des métaux dans les empires d'Afrique occidentale. Ainsi, dans la capitale de l'empire du Ghana (IXe–XIe siècles) Koumbi-Saleh, la population était répartie par quartiers en fonction des ethnies, des clans et des activités : le quartier des blancs étaient réservés aux marchands arabes qui disposaient de mosquées alors que l'Empire était majoritairement animiste32. L'Empire du Mali (XIIIe–XVe siècles) poursuivit les échanges avec les États d'Afrique du Nord et l'on a rencontré des marchands arabes et juifs[réf. nécessaire] dans les villes33. Buts de la traite et de l'esclavage Les motifs économiques étaient les plus évidents. Dès les débuts de la conquête arabo-musulmane, le manque de main-d'œuvre entraîna le besoin d'utiliser des esclaves sur les chantiers ou dans les mines de sel. La traite occasionnait de grands profits pour ceux qui la maîtrisaient. Plusieurs cités se sont enrichies et ont prospéré grâce au trafic des esclaves, aussi bien au Soudan qu'en Afrique orientale. Dans le désert du Sahara, les chefs lançaient des expéditions contre les pillards de convois. Les souverains du Maroc médiéval avaient fait construire des forteresses dans les régions désertiques qu'ils dominaient afin d'offrir des haltes protégées aux caravanes. Le sultan d'Oman a transféré sa capitale à Zanzibar (signifiant « côte des Noirs »34), car il avait bien saisi l'intérêt économique de la traite arabe. Plusieurs milliers d'esclaves transitaient par Zanzibar chaque année au XIXe siècle avant d'être déportés en Arabie, voire au Brésil. Le palais du sultan témoigne encore de sa fortune. Plusieurs milliers d'autres hommes travaillaient de force dans les plantations. C'était aussi souvent à des fins sexuelles35. En effet, dans l'aire arabo-musulmane, les harems nécessitaient un « approvisionnement » en femmes. Il existait en outre des raisons sociales et culturelles à la traite : en Afrique subsaharienne, la possession d'esclaves était le signe d'appartenance à un haut rang social. Pour finir, il est impossible d'ignorer la dimension religieuse et raciste de la traite. Punir les mauvais musulmans ou les païens tenait lieu de justification idéologique à l'esclavagisme : les dirigeants musulmans d'Afrique du Nord, du Sahara et du Sahel lançaient des razzias pour persécuter les infidèles : au Moyen Âge, l'islamisation était en effet superficielle dans les régions rurales de l'Afrique. Les lettrés musulmans invoquaient la suprématie raciale des Blancs, qui se fondait sur le récit de la malédiction proférée par Noé dans l'Ancien Testament (Genèse 9:20-27). Selon eux, elle s'appliquait aux Noirs, descendants de Cham, le père de Canaan, qui avait vu Noé nu (une autre interprétation les rattache à Koush, voir l'article). Les Noirs étaient donc considérés comme « inférieurs » et « prédestinés » à être esclaves. Plusieurs auteurs arabes les comparaient à des animaux32. Le poète Al-Mutanabbi méprisait le gouverneur égyptien Abu al-Misk Kafur au Xe siècle à cause de la couleur de sa peau32. Le mot arabe abid qui signifiait esclave est devenu à partir du VIIIe siècle plus ou moins synonyme de « Noir »36. Quant au mot arabe zanj, il désignait de façon péjorative les Noirs37. Ces jugements racistes étaient récurrents dans les œuvres des historiens et des géographes arabes : ainsi, Ibn Khaldoun a pu écrire au XIVe siècle : « Les seuls peuples à accepter vraiment l'esclavage sans espoir de retour sont les nègres, en raison d'un degré inférieur d'humanité, leur place étant plus proche du stade de l'animal »38. À la même période, le lettré égyptien Al-Abshibi écrivait « Quand il [le Noir] a faim, il vole et lorsqu'il est rassasié, il fornique. » 39. Les Arabes présents sur la côte orientale de l'Afrique utilisaient le mot « cafre » pour désigner les Noirs de l'intérieur et du Sud. Ce mot vient de « kāfir » qui signifie « infidèle » ou « mécréant »40. Géographie de la traite arabe Zones d'« approvisionnement » Différentes sortes de cauris ; le cauri était un coquillage servant de monnaie pour la traite arabe en Afrique Les marchands d'esclaves orientaux se fournissaient en Europe (traite des Blancs). Les Danois (Varègues) s'implantaient dans la région de la Volga (notamment Volgograd) et négociaient des Slaves capturés avec des marchands arabes et/ou musulmans, voire juifs (voir l'article Radhanites). Les esclaves circassiennes étaient remarquées dans les harems et nombreuses sont les odalisques provenant de cette région sur les peintures orientalistes. Pour la composition des harems, des esclaves de confessions différentes que celle de l'islam étaient appréciés, et ce pour tous les rôles (gardien, serviteur, odalisque, houri, musicien, danseur, nain de cour). Le califat abbasside de Bagdad (750-1258) importa des dizaines de milliers d’esclaves originaires d’Asie centrale et d’Afrique orientale41. Au IXe siècle, le calife Al-Amin possédaient environ 7 000 eunuques noirs (qui étaient complètement émasculés) et 4 000 eunuques blancs (qui étaient castrés)42,43. Les gardes blancs du calife de Bagdad (Grecs, Slaves, Berbères, Turcs) sont à l'origine des Mamelouks44. Dans l'empire ottoman, le dernier eunuque noir, l'Éthiopien Hayrettin Effendi, a été affranchi en 1918. Les esclavons d'origine slave en al-Andalus provenaient des Varègues qui les avaient capturés. Ils étaient placés dans la garde du Calife et prenaient graduellement des positions importantes dans l'armée (ils devenaient les saqālibas), et allaient même remporter des taïfas après la guerre civile ayant mené à l'implosion du califat occidental. Des colonnes d'esclaves alimentant les grands harems cordouan, sévillan et grenadin étaient constituées par des mercadères radhanites à partir des terres germaniques et du reste de l'Europe du Nord encore non contrôlé par l'empire carolingien. Ces colonnes traversaient le sillon rhodanien pour gagner les terres au sud des Pyrénées. Les eunuques castrés à Verdun étaient envoyés vers les mondes byzantin et musulman via les ports méditerranéens45. Sur les mers, les barbaresques opéraient ce trafic dès qu'ils pouvaient capturer des personnes en abordant les navires ou faisant des incursions sur les côtes. La Nubie, l'Éthiopie et l'Abyssinie étaient aussi des régions « exportatrices » : au XVe siècle, des esclaves abyssins étaient présents en Inde où ils travaillent sur les navires ou comme soldats46. Ils ont fini même par se révolter et par prendre le pouvoir (dynastie des rois Habshi dans le Bengale 1487-1493)47. Le Soudan et l'Afrique saharienne constituaient une autre aire de « prélèvement », mais il est impossible d'en dire l'ampleur précise, faute de sources chiffrées. Les premiers esclaves noirs originaires d'Afrique de l’Ouest sont emmenés dans le nord du continent par les marchands arabes dès le VIIe siècle48. On les retrouve aussi dans les plantations de canne à sucre en Espagne et en Sicile au Moyen Âge48 ; au XIVe siècle, certains sont revendus en Europe pour travailler comme domestiques en ville. Enfin, le trafic d'esclaves touchait l'Afrique de l'Est, mais l'éloignement et l'hostilité des populations locales a ralenti l'essor de cette traite arabe. Au XVIIe siècle, la VOC néerlandaise achetait aux marchands musulmans de Madagascar des esclaves, qui étaient déportés vers la Colonie du Cap ou vers l'Indonésie49. Les Arabes et les Persans étaient présents jusqu'à Sofala, sur la côte du Mozambique actuel50. Les routes Les pistes caravanières, aménagées à partir du IXe siècle, passaient par les oasis du Sahara : les déplacements étaient dangereux et pénibles à cause des contraintes climatiques et des distances. Les grands convois transportaient des esclaves depuis l'époque romaine mais aussi toutes sortes de produits qui servaient au troc. Contre les attaques des nomades du désert, des esclaves étaient employés à former une bonne escorte. Les esclaves qui ralentissaient la progression de la caravane étaient tués. D'après l'historien Ralph Austen51, le taux de mortalité entre le moment de la capture et la vente était compris entre 6 et 20 % selon les parcours (le trajet vers le Maroc étant relativement peu meurtrier, alors que la traversée du Sahara en direction de la Libye pouvait se solder par une hécatombe10). En Asie, les convois d'esclaves sont attestés pour le XIIIe siècle sur la route de la soie52. Les routes maritimes sont moins bien connues des historiens. Grâce aux documents iconographiques et aux récits de voyage, on imagine que le trajet se faisait sur des boutres et des jalbas, navires arabes qui servaient de moyens de transport en mer Rouge. La traversée de l'océan Indien se faisait dans des conditions tout aussi épouvantables que celle de l'océan Atlantique. Elle devait nécessiter plus de moyens et une organisation plus poussée que le transport terrestre. Les navires venant de Zanzibar faisaient escale sur les îles de l'archipel de Socotra ou d'Aden avant de se diriger vers le golfe Persique ou l'Inde. Les esclaves étaient vendus jusqu'en Inde et même en Chine : une colonie de marchands arabes était installée à Canton53,52. Des négriers chinois achetaient des esclaves noirs (Hei-hsiao-ssu) à des intermédiaires arabes ou bien s'approvisionnaient directement chez les Somalis qui pratiquaient aussi les échanges d'esclaves négroïdes capturés dans les régions du Nord-Est du Kenya actuel54. Serge Bilé cite un texte du XIIe siècle qui nous apprend que « la plupart des familles aisées de Canton possédaient des esclaves noirs [...] qu'elles tenaient néanmoins pour des sauvages et des démons à cause de leur aspect physique »55. Les souverains chinois ont lancé au XVe siècle des expéditions maritimes vers l'Afrique orientale, menées par l'amiral Zheng He. Leur but était d'accroître leur influence commerciale. Les Barbaresques razziaient les côtes méditerranéennes et faisaient des chrétiens des esclaves, dont l'effectif fut toujours de 25 000 à 30 000 au sud de la Méditerranée10. Le troc Scène de marché aux esclaves, Harîrî Schefer, XIIIe siècle Les esclaves étaient souvent troqués contre des objets de natures diverses : au Soudan, on les échangeait contre des cotonnades, des objets de pacotille, des toiles, etc. Au Maghreb, ils étaient obtenus contre des chevaux. Dans les cités du désert, pièces de toile, vaisselle, perles de verre vénitiennes, produits tinctoriaux et bijoux servaient de moyen de paiement. La traite des Noirs s'insérait donc dans un réseau d'échanges diversifiés. À côté des pièces d'or, le cauri, un coquillage venant de l'océan Indien ou de l'océan Atlantique (îles Canaries, Luanda) servait également de monnaie dans toute l'Afrique noire (on achetait la marchandise en sacs de cauris). Les marchés et les foires aux esclaves Les esclaves noirs étaient vendus dans les villes du monde musulman. En 1416, al-Maqrizi raconte que des pèlerins venus du Tekrour (près du fleuve Sénégal) avaient emporté avec eux 1 700 esclaves à La Mecque56. En Afrique du Nord, le Maroc, Alger, Tripoli et Le Caire étaient les principaux marchés d'esclaves. Ces derniers pouvaient être castrés, y compris les enfants, dont beaucoup mouraient des suites de cette opération. Les ventes avaient lieu sur les places publiques et dans les souks. Les acheteurs potentiels procédaient à un examen attentif de la « marchandise » : ils vérifiaient l'état de santé de la personne, présentée souvent nue et les mains liées57. Au Caire, la transaction des eunuques et des concubines se faisait dans des maisons privées et il existait un syndicat de négriers au Moyen Âge. Le prix variait selon la qualité de l'esclave. Une femme blanche ou un jeune garçon avaient plus de valeur que d'autres58. L'empereur du Mali Kouta Moussa partit en pèlerinage à La Mecque en 1324 ; selon l'auteur égyptien Al-Omary, le souverain acheta des esclaves pendant son séjour au Caire, notamment des mamelouks et des femmes blanches, musulmanes et chrétiennes59. Villes et ports impliqués dans la traite arabe Zanzibar (Tanzanie) : le vieux fort à Stone Town, dont la construction débuta en 1698 Afrique du Nord : Marrakech (Maroc) Alger (Algérie) Tunis (Tunisie) Tripoli (Libye) Assab et Massawa (Érythrée) Le Caire (Égypte) Assouan (Soudan) Afrique subsaharienne Aoudaghost Tombouctou (Mali) Gao Bilma Afrique orientale : Mogadiscio (Somalie) Bagamoyo, Ujiji, Unyanyembe, Zanzibar (Tanzanie) Kilwa Sofala (Beira, Mozambique) Kabambare, Kasongo, Nyangwe, Uvira (RD Congo) Péninsule arabe : La Mecque Zabid (Yémen) Mascate (Oman) Aden (Yémen) Archipel de Socotra |
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